Congo Indépendant (RDC)
Joseph Kabila Le Président de la RDC
Congo Indépendant (RDC)Kinshasa, RDC, 2010-09-19 (Congo Indépenda (RDC)
Quand Joseph Kabila accusait l’APR
d’avoir « génocidé » des réfugiés Hutu
et des citoyens congolais…
Source: Congo Indépendant (RDC)
Le rapport du Haut commissaire aux droits de l’Homme (HCDH) surles massacres commis par l’Armée patriotique rwandaise sur le solcongolais va-t-il sonner le glas de la « nouvelle amitié » entre l’homme
fort de Kigali et son « filleul » Joseph Kabila? Depuis la publication par
le quotidien français « Le Monde », daté du 27 août dernier, des extraits
de ce document explosif accusant l’armée patriotique rwandaise
d’avoir commis, sur le sol congolais, contre des Hutus, des massacres
« systématiques et généralisés » assimilables à des « crimes de
génocide », on assiste à une agitation tant à Kigali qu’à Kinshasa. Et
pour cause? Dans une interview accordée au « Soir » de Bruxelles, daté
7 mars 2001, le successeur de Mzee « dénonçait » déjà avec une
certaine candeur la cruauté des éléments de l’APR. Le quotidien kinois
« Le Potentiel » avait à l’époque publié un article à ce sujet. Le journal
avait retranscrit un entretien accordé à la Voix de l’Amérique (VOA)
par la journaliste Colette Braeckman qui commentait les révélations de
« Joseph ».
A moins qu’il se dédise – en prenant le risque de se faire prendre en
flagrant délit de mensonge -, Joseph Kabila a été un témoin oculaire et
peut-être un des acteurs des tueries massives imputées aux soldats de
l’APR. Kisangani, Tingi Tingi, Amisi, dans la Province Orientale,
Bokatola, Mbandaka, Wendji Secli (à l’Equateur) sont autant des noms
des lieux où des éléments de l’APR se sont livrés à des carnages en
ciblant non seulement des ex-FAR (Forces armées rwanadises) et les
miliciens Interahamwe mais aussi tout individu qui ressemblait à un
Hutu. Des femmes, des enfants et des vieillards ont ainsi été
« canardés ». La paisibles populations de lex-Cuvette centrale sont
restées à jamais traumatisées face à tant de cruauté à la limite de la
barbarie.
Cacophonie à KigaliDepuis la sortie du numéro 20401 du quotidien « Le Monde », lesdirigeants rwandais semblent avoir perdu leur superbe au point demener une « contre-attaque » plutôt cacophonique. Dans une déclaration
faite au quotidien bruxellois « Le Soir » daté du 1er septembre 2010, le
chef de la diplomatie rwandaise, Louise Mushikwabo, ne nie guère les
faits contenus dans le rapport du HCDH. Elle joue la carte de la
justification : »Il faut être sérieux, dire toute la vérité. Comment
négliger le fait que les camps de réfugiés, établis au Kivu au
lendemain du génocide étaient devenus un véritable poudrière pour
toute la région. (…) ». Et d’ajouter : « Dans cette espèce de terrain
vague, les combattants hutus s’étaient réarmés, sous les yeux de
l’ONU et avec la complicité de toutes les Ong qui les assistaient. Bien
avant d’entamer les opérations militaires, le Rwanda avait dénoncé, à
plusieurs reprises, le danger que représentait ces camps où les auteurs
du génocide étaient melangés aux civils, mais n’avait pas été entendu.
Aujourd’hui, l’action du Rwanda est dénoncée par ces mêmes Ong
dont le passé est loin d’être clair ». Ancien ministre rwandais des
Affaires étrangères, Charles Murigande, actuellement en charge de
l’Education, dit autre chose : « Nous n’avons commis aucun crime de
guerre ». Selon lui, l’APR est intervenue « militairement pour obliger
les camps à se disperser en novembre 1996″. « La violence n’a pas été
nécessaire : il suffisait de tirer en l’air. Les forces génocidaires ont fui
et une majorité de réfugiés a pu rentrer au Rwanda. (…) », soutient-il
(voir J.A n°2592 du 12-18.9.2010 p. 37). Qui dit vrai?
Joseph Kabila, témoin ou un des acteurs des massacres?
Pour les Congolais, le rapport du HCDH est une occasion inespérée. D’abord pour savoir un peu plus sur « l’homme secret » qui dirige leurpays depuis bientôt dix ans. Ensuite, de cerner le rôle que ce même
homme, alors aide de camp du « colonel James » {Kabarebe}, chef des
Opérations du Front Nord, a pu jouer lors des massacres des réfugiés
Hutu rwandais mais aussi des Congolais perpétrés par des soldats de
l’armée patriotique rwandaise (APR) camouflés sous le label de
« rebelles zaïrois » de l’AFDL.
Dans une interview accordée au quotidien « Le Soir » daté 7 mars 2001,
le successeur Joseph Kabila fait littéralement des aveux. Il affirme in
tempore non suspecto d’avoir été « témoin » des massacres précités.
Simple témoin? « J’étais avec les Rwandais et lorsque j’ai vu comment
ils se comportent avec les réfugiés Hutus, j’ai pensé qu’un jour nous
aurions la guerre avec ces gens-là. Mais à l’époque, il était impossible
de parler de cela et par la suite, tout a été fait pour bloquer la
commission d’enquête de l’Onu par Bizima Karaha entre autres, qui
était le ministre des Affaires étrangères, raconte-t-il. Depuis lors, dans
la région, il y a eu d’autres victimes, congolaises celles-là. Une Ong
américaine a estimé que 2.500.000 civils congolais avaient péri au
cours de la guerre actuelle. Un chiffre aussi massif n’est pas le fait du
hasard : il y a bien eu l’intention de tuer la population. Cela aussi,
c’est un génocide contre les Congolais ».
B.A.W
Ci-après l’article publié par « Le Potentiel » en mars 2001:
Texto :
KABILA JUNIOR : une phrase de plus
L’interview accordée à notre consoeur belge Colette Brackman par le
général-major Joseph Kabila et parue dans le journal “Le Soir ” du 07
mars 2001 fait l’objet des commentaires en sens divers dans les
salons, et particulièrement dans les milieux politiques, à Kinshasa.
Avec raison, bien entendu. Dans la mesure où c’est pour la toute
première fois que le jeune président s’ouvre à l’opinion, par la presse
interposée, après sa prestation de serment et son discours d’investiture.
Cet entretien aura permis, une fois de plus, à l’opinion, singulièrement
nationale, de se faire une idée de ce que le président pense de
l’ouverture politique tant attendue, du Dialogue intercongolais et de
l’enquête en cours sur l’assassinat de son père. Sans oublier le rôle que
doit jouer la jeunesse dans l’édification du pays.
Pour ce qui est de la mise en place d’une nouvelle équipe
gouvernementale, celle-ci n’est pas liée à l’enquête sur la mort de feu
Laurent Désiré Kabila, un ministre pouvant toujours être invité à
témoigner si c’est nécessaire. Le chef de l’Etat se serait donné un
temps de d’observation, surtout pour les ministres hérités de son père,
afin d’apprécier les capacités d’un chacun.
S’agissant de la libéralisation des partis politiques dont l’abrogation du
décret 194 portant organisation et fonctionnement des partis politiques
en Rdc constituerait un signal fort, le chef de l’Etat n’aurait pas encore
une opinion exacte. “ il est tôt pour donner une réponse directe,
complète”, dit-il.
Mais comme son père et prédécesseur, il note : “Jadis, il y avait ici
450 partis politiques, et je ne veux plus que cela se reproduise. Par
ailleurs, pour moi, les partis doivent avoir un caractère national, et non
ethnique ou régional ”.
Faisant savoir que le pays est en partie sous occupation, Kabila junior
relève que ce n’est pas seulement le gouvernement qui doit libéraliser,
les partis politiques n’étant libres de se constituer sous les cieux
rebelles.
Quant au Dialogue intercongolais, à l’instar de son prédécesseur, il
souligne : “ A mes yeux, le dialogue, cela ne doit être une table ronde
où on se partage le gâteau. Ce qui compte, c’est de voir comment on
va donner au peuple congolais le pouvoir de décider, comment
préparer les élections qui, évidemment, auront lieu sur l’ensemble du
pays”.
Parlant de la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur
l’assassinat de son père, Kabila Junior veut savoir la vérité totale sur
tout ce qui s’est passé. Ainsi, cette commission se doit de travailler,
d’interroger tout le monde et d’aller jusqu’au bout de ses
investigations. S’agissant des jeunes générations dont il apparaît
comme le porte-parole, le chef de l’Etat répond qu’il ne s’agit pas
uniquement d’une question de génération.” Certes, dit-il, les jeunes
doivent apporter leur contribution, mais l’expérience compte aussi”. Et
d’ajouter : “Je dois prendre le temps d’évaluer la situation”.
Mais c’est au sujet des Hutus assassinés au Congo lors de la guerre
dite de libération menée en son temps par l’Alliance des forces
démocratiques du Congo que Kabila Junior a prononcé une phrase de
trop, phrase ayant des implications sur les plans tant des droits de
l’homme, judiciaire que diplomatique ainsi que cela transparaît dans
l’entretien téléphonique ci-dessous entre Colette Braeckman et
Ferdinand Ferella sur la “Voix de l’Amérique” le jeudi 8 mars dans la
matinée. A la base, la question suivante de la journaliste belge au
président congolais.
Colette Braeckman :
M. le Président, on commence à vous connaîtresur la scène internationale. Mais humainement, vous demeurez un inconnu. Je me souviens cependant vous avoir vu de loin à Kisangani,en 1997………..
Kabila Junior :
C’est vrai, j’étais là lorsque la ville est tombée auxmains de l’Afdl (Alliance des forces pour la démocratie et la libération du Congo, qui visait à renverser Mobutu). J’étais avec les Rwandais etlorsque j’ai vu comment ils se comportaient avec les réfugiés Hutus,
j’ai pensé qu’un jour nous aurions la guerre avec ces gens-là. Mais à
l’époque, il était impossible de parler de cela et par la suite, tout a été
fait pour bloquer la commission d’enquête de l’Onu par Bizima
Kahara entre autres, qui était alors ministre des Affaires étrangères.
Aujourd’hui, bien sûr, si l’Onu voulait encore enquêter sur cette
affaire, elle serait la bienvenue. Depuis lors, dans la région, il y a eu
d’autres victimes, congolaises celles-là. Une Ong américaine a estimé
que 2.500.000 civils congolais avaient péri au cours de la guerre
actuelle. Un chiffre aussi massif n’est pas le fait du hasard : il y a bien
eu l’intention de tuer la population. Cela aussi, c’est un génocide,
contre les Congolais cette fois, mais nul ne s’en émeut. Il est vrai que
dans les forêts de l’Est, il n’y a pas les caméras de Cnn…..On a parlé
des massacres de Kasika, de Makobola, de Shabunda plus récemment,
mais qui s’y intéresse ? Lorsque les Maï-Maï révèlent ces atrocités, on
répond qu’il s’agit de la propagande des extrémistes
hutus…..Expliquez-moi comment la communauté internationale peut
considérer que tout le peuple congolais est devenu interhamwe (les
milices Hutus, Ndlr).
Et ainsi que le note bien notre consoeur dans l’entretien téléphonique,
c’est à se demander si Kabila Junior a jugé sincèrement les
implications diplomatiques de sa réponse. Et même au-delà. Car, non
seulement cela peut affecter les rapports entre Kigali et Kinshasa qui
sont au dégel, mais également et désormais, le chef de l’Etat congolais
est un témoin de premier plan dans l’affaire des massacres des Hutus
au Congo, une affaire qui sera, au terme du point 9.1a de l’annexe A
de l’Accord de cessez le feu de Lusaka, versée au Tribunal
international. Cela aussi a des répercussions sur le plan international,
surtout en matière des droits de l’homme. Cette phrase de trop du chef
de l’Etat congolais est une preuve, si besoin en était encore, qu’il n’est
entouré du tout. Comment ses conseillers, dans une interview qui n’est
pas en direct, n’ont pas réalisé que cette phrase peut être assassine,
même si d’autre part cela apparaît comme une façon de demander aux
Rwandais de quels Hutus ils parlent encore.
Ci-dessous, des larges extraits de l’entretien téléphonique entre Colette
Braeckman et Ferdinand Ferella retranscrits par Moïse Musangana
Entretien téléphonique entre Colette Braeckman et Ferdinand Ferella
Voa : Avez-vous été surprise par ces propos ?Colette Braeckman :
Je savais qu’il avait été témoin. Je lui ai posé laquestion en lui disant : je me rappelle que vous avez été à Kisangani cette année-là. J’étais surprise par la précision de sa réponse.L’information, elle-même, on l’avait déjà parce que son père avait dit
la même chose. La différence est que son père n’était pas sur le terrain.
Il était à Goma ou à Bukavu, tandis que le fils était intégré dans
l’armée, dans les troupes de libération qui avançaient à travers le
Congo. Donc, il est aussi un témoin de premier plan.
Voa : L’on sait aussi qu’il est proche de James Kabarebe qui, àl’époque – vous l’avez relaté dans votre livre sur le conflit congolais –dirigeait les opérations de l’armée rwandaise à Kisangani.Colette Braeckman :
Il était jeune. Il devait avoir 25 ou 26 ans.Kabila père avait confié son fils au commandant James pour avoir une formation militaire. Donc, ils étaient ensemble. Et Joseph Kabila medit qu’avant, il avait été aussi en Ouganda, il connaissait très bien
l’armée ougandaise (………).
Voa :
Est-ce que vous avez le sentiment, Colette, que Joseph Kabilaserait prêt à collaborer éventuellement avec une reprise éventuelle de cette enquête sur cette affaire? On sait bien que le 1er rapporteurspécial de l’Onu Roberto Garreton est attendu à Kinshasa dans les
prochains jours ?
Colette Braeckman :
Je ne sais pas s’il est prêt à témoignerpersonnellement. Ça, je ne lui ai pas posé la question (………..). Il a indiqué très clairement qu’aujourd’hui la commission d’enquête est labienvenue à Kinshasa. Si elle veut reprendre ses investigations, elle
aura toute la latitude de Kinshasa pour continuer à travailler.
Autrement dit, M. Garreton est le bienvenu à Kinshasa.
Voa :
Comment vous interprétez le fait que cette affaire fasse surfaceaujourd’hui, au moment où il y a dégel entre Kinshasa et Kigali ? Est-ce que tout cela ne va pas à nouveau empoisonner le climat?Colette Braeckman :
Je pense que le président Kabila n’a pas sincèrement pesé les implications diplomatiques lorsque je lui ai posé la question : était-il là à Kisangani à ce moment là? Il a seulementconfirmé. Je ne crois pas qu’au moment où il a répondu, il a pensé à ce
que tout cela pouvait entraîner sur le plan diplomatique (………). On
verra bien.
In Le Potentiel mars 2001